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Patagonia to Alaska
23 novembre 2016

Nicaragua, Honduras et Salvador

Aussitôt entrés au Nicaragua, il nous faut revoir l'idée que nous avions de ce pays qui fait du Costa Rica sa muse en matière de développement touristique. A peine balbutiant, il en connaît déjà les mêmes excès et outrages. C'est d'autant plus déplorable et consternant qu'il paraît peu probable que cette manne profite à beaucoup sinon au régime népotique en place ou aux propriétaires d'établissements étrangers qui s'intronisent potentats hors de leurs terres. A chaque passage dans l'un de leurs hébergements ou restaurants, nous avons la désagréable impression que les employés locaux sont esclaves dans leur propre pays. Les grands complexes hôteliers où tout est inclus n'offrent ni retombées ni perspectives aux communautés locales. Pis, face à ce projet prométhéen de canal interocéanique en passe de voir le jour et qui ouvre la boîte de pandore, les indigènes s'indignent dans l'indifférence des dirigeants et investisseurs, victimes impuissantes des innombrables dommages collatéraux (déforestation, destruction et renchérissement insupportable de leur habitat au profit d'aéroports et de complexes touristiques, salinisation des eaux douces et conséquemment disparition d'espèces endémiques). Ce tableau inique, loin de ne dépeindre que la situation du Nicaragua, nous rend un brin fatalistes à force de récurrences.

Le tourisme de masse ou l’exploitation des ressources naturelles semblent être les seuls possibles de l’essor des nations en développement. Ainsi, au lieu d’une prospérité durable qui pourrait éventuellement éclore d’un pari fait sur l’éducation, des projets générant des profits rapides et faciles défigurent des pays qui ont leur nature pour principal atout et attrait, faisant le lucre des élites. En découlent une perte irrémédiable de leur authenticité et par la même de l’intérêt d’y voyager. Mais on serait presque tentés d’être cléments envers ces gouvernements qui tirent avantages d'une foule aussi oisive d'esprit que dispendieuse. Les populations, elles, sont en droit d'exiger un développement respectueux de ses richesses naturelles et une répartition juste des bénéfices.
Malheureusement pour le peuple nicaraguayen, le pouvoir est entre les mains du couple Ortega, anciens révolutionnaires sandinistes qui, plus opportuniste que socialiste, trouve ses amis et soutiens aussi bien parmi les fidèles de Castro et des Farcs qu’au sein de grandes multinationales, et cela tout en luttant avec acharnement contre l'impérialisme américain depuis la période la plus mouvementée de la guerre froide. Cet homme probe comme on le voit, vient de se voir offrir un troisième mandat pour lequel il a fallu revoir la Constitution.
Malgré une velléité plus marquée que marquante de relever l’éducation, le pays est dans le domaine l'un des moins efficients au monde. Ici, on expectore sa pituite à loisir et plutôt plus que de raison. Mœurs locales ou indicateur de niveau d'éducation?
De ce vote ressortent aussi bien le peu de scrupule et d'intégrité de ce président corrompu que le manque de lumières du peuple qui l'a réélu. Mais lorsque on ne possède rien, le plus petit acquis prend l’apparence d’une révolution, un don de Dieu dont Ortega est ici l’intercesseur. Il lui suffit donc d’un zeste de poudre aux yeux pour que le peuple devienne aveugle et se convainque dans une foi infaillible d’un proche avenir meilleur. En 2006, seuls 55% des foyers du pays étaient reliées à l’électricité. Quelques communautés raccordées plus tard, le voilà à nouveau au commande de cette république bananière, paré à poursuivre ses activités interlopes avec le diable capitaliste. Le pays, lui, reste dans un état misérable, à tous les égards. Les mendiants et impotents en nombre presque aussi important que les hordes de chiens étiques errants, grands pourvoyeurs d'insalubrité, sont des signes bien palpables de son niveau de précarité. Il faut d’ailleurs qu’il soit parti des tréfonds du néant (40 ans d’une dynastie de dictateurs stipendiés des Américains. Roosevelt dira, parlant de l'un de ses membres (sic), "He may be a son of a bitch, but at least it's our son of a bitch!") pour que le peuple ait pu voir dans les deux décennies de ce régime une quelconque élévation de sa condition. Mais l'actualité récente nous montre que d'autres peuples en apparence plus éclairés ne le sont point davantage, ne laissant pas aux pays sous-développés l'apanage de la cécité ou de la naïveté.

De ce voyage si propice à l'observation émerge en nous une sorte de désenchantement ou de désolation existentielle, source d'une abondante réflexion sur l'être humain, sa nature et son devenir. Sa paresse intellectuelle chronique, le vide qu'il tente de remplir par son arrogance et sa cuistrerie, son penchant pour le futile et le superficiel, son narcissisme pathologique, sa soif inextinguible de consommer, de posséder et de produire sans égards ni considération pour la nature, son égoïsme, son indifférence et son absence de respect pour autrui, et tout autre fard dont il use pour (se) cacher sa vacuité, enfin et pour synthétiser, sa faible inclinaison à faire usage de sa raison sont autant de signes cliniques d'un avenir morose.
Nous optons dès lors pour le tourisme communautaire et partons à la découverte de la petite communidad de la Reyna, loin des joyaux naturels pervertis désormais tel l'île d'Ometepe, mais sûrs au moins que l'argent dépensé retombe dans les poches de ceux qui le méritent.

Nous retrouvons dans ce petit hameau retiré qui survit de la culture du café les linéaments du Pérou. Nous passons une demi-journée à la cueillette. Le plaisir de se rendre utile se transforme plus rapidement que prévu en un sentiment plus laborieux. Nous sommes heureusement récompensés d’un divin gallo pinto, un mets typique d'Amérique centrale qui les comble de fierté (à savoir riz, bananes plantains, flageolets, oeufs). Nous passons encore quelques jours sur les rives du lac Apoyo et contemplons le volcan Masaya. Des profondeurs de son cratère nous parvient le bruit sourd des remous de la lave en fusion, résurgence du Styx dont le rouge tantôt vif profond tantôt couleur cendre nous donne une idée de l’ambiance dantesque qui règne quelques centaines de mètres sous nos pieds. La contrariété suscitée par les 5 minutes autorisées à ce moment de béatitude (quand on sait qu'Audrey a besoin de dix bonnes minutes par photo) altère cependant considérablement notre ravissement.

Le Honduras, ou du moins le champêtre coin de pays que nous traversons en deux jours, en dehors de sa pauvreté évidemment plus marquée, possède la panoplie parfaite d'un état pastoral américain, de pacifiques cow-boys, pâtres et charretiers à la place des red-necks. A l'instar du Nicaragua, les gens sont ici le plus souvent très avenants. Certainement inspirés par la nature environnante, ils vivent paisiblement. Nous nous tenons toutefois à bonne distance de la capitale, pour ne pas défigurer dans notre esprit le séduisant visage de ce pays.

Notre entrée au Salvador est enveloppée de ce même agréable halo de bienveillance des habitants qui tous nous saluent ou nous font cadeau d'un sourire, d'un geste amical et courtois. Les lieux communs sont tenaces et devant une telle gentillesse générale, nous nous joignons à ces autochtones accortes pour déplorer l’injuste réputation dont le pays mérite tant de pouvoir se défaire. Tandis que le Costa Rica, vaste lupanar où touristes et clients ne font qu'un, offre ses charmes et vend son âme, le Salvador, moins gâtée par la nature sans être dépourvu d'atours, se tourne vers de plus chastes inclinations. Plus humble dans ses prétentions, plus noble dans ses mœurs, il nous fait don d'une simplicité touchante et d'une amabilité désarmante dont il s'enorgueillit modestement.

C'est donc dans une quasi allégresse que nous faisons notre première halte à Playa El Cuco. Nous nous noyons avec délectation parmi les touristes et pêcheurs locaux, dans une ambiance chaleureuse et détendue, presque choyés. Les familles nous témoignent un intérêt teinté de saine curiosité. Une affabilité désintéressée qui nous est peu coutumière. 

A La Libertad, nous retrouvons l'ambiance pittoresque des marchés traditionnels que nous affectionnons tant. Nos sens sont à nouveau soumis à rude épreuve au rayon boucherie et poissons tandis que nous nous attardons pour le plaisir des yeux au stand décorations de Noël (ici aussi, Noël est au mois de novembre).
Notre itinéraire côtier nous emmène ensuite à El Zonte. Nous partageons ce petit bout d'océan avec un couple de perroquets, un énorme iguane et une poignée de surfeurs.
Nous n'avons pour l'heure rencontré aucun touriste hormis ces derniers et Audrey profite des répercussions favorables sur l'humeur de Guillaume. Nous repoussons chaque jour le départ tant nous nous sentons bien dans ce pueblito. Même l'alerte au tsunami ne suffit pas à nous y déloger. Nous nous plaisons à admirer les surfeurs, leurs abdos comme leurs prouesses, sans pour autant nous presser à les imiter. Après presque une semaine de cette lascive, euh... passive contemplation, il nous faut néanmoins nous faire une raison et reprendre la route, direction Guatemala.

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